Que conclure du prix Eurovision de la chanson ?
Samedi dernier, 25 mai, la Suède l'a emporté, pulvérisant les records de votes: 372 points ! La France a évité de justesse l'humiliation avec 21 points (Anggun en serait paraît-il très affectée), à 5 places de la dernière, grâce à quelques votes non déterminants, glanés ici ou là, mais en aucun cas de nos voisins immédiats, grande première cette année !
Alors d'aucuns y voient avant tout un divertissement, et une "compétition" où les jeux sont faits d'avance, un peu comme pour les élections de "Miss" ou encore les compétitions de "patinage artistique". On pourrait très bien s'arrêter là et ne pas y attacher plus d'importance que ça.
Or mon analyse est toute différente, et j'en tire plusieurs enseignements.
- Le premier, est qu'il ne suffit pas d'être une jolie femme et d'arborer une robe d'un grand couturier, ni d'être entouré de "danseurs" qui ressemblaient davantage à des gymnastes de compétition et des cascadeurs, pour l'emporter. (Sans enlever tout mérite et qualité à notre représentante, qui a chanté juste mais dont, à mon avis, la voix était légèrement trop couverte par la musique);
- Le second, est qu'il est parfois plus payant de faire dans la simplicité: exemple des "mamies" russes, aux sourires édentés, à la chorégraphie réduite à sa plus simple expression, par des mouvements sans grande ampleur (eu égard à leurs âges, respectables), le tout en costume folklorique russe. Tout le monde a cru que ça allait être un "four", or le four était bien réel sur la scène, et les mamies, pour un investissement a minima se sont taillées une jolie part de succès, devançant largement l'Allemagne, l'Italie, etc...;
- Le troisième, est que plus encore que les autres années, ce vote a été celui du "chacun pour soi", et non en fonction des qualités réelles de la chanson, du ou de la chanteuse, de l'orchestration, des costumes et effets spéciaux, de la chorégraphie. On a vu la plupart des Etats voter en effet en fonction de leurs intérêts réciproques: des Etats voisins voter les uns pour les autres, ou voter pour d'autres Etats voisins afin de préserver une relative tranquillité et stabilité dans la région concernée: là le vote est presque "géo-politique";
- le quatrième enseignement, est que, plus encore que par le passé, nous avons constaté dès les cinq ou six premiers votes, c'est à dire lorsqu'une majorité a commencé à se dessiner pour la Suède, tous les autres Etats voter par la suite quasiment sans exception pour la Suède, en lui attribuant un maximum de points, de sorte que, bien que rien ne le prouve évidemment, nous sommes en droit de nous demander jusqu'à quel point les Etats concernés jouent vraiment le jeu de la transparence, et la règle qui veut qu'à la fin des auditions, le vote soit supposé être bloqué, intangible. (Cela dit, sans parti pris non plus, et tout en reconnaissant les valeurs vocales, instrumentales et chorégraphiques des Suédois et de leur interprète Loreen);
- le cinquième est que des Etats comme la Grèce, l'Espagne et l'Italie, ceux-là qui, économiquement traversent une très mauvaise passe et sont sur la sellette, ont reçu des votes d'encouragement les classant très honorablement, bien avant l'Angleterre, la France, le Royaume Uni, comme pour leur envoyer un signal, comme pour leur donner raison dans leur rébellion contre les plans drastiques et austères de l'Europe afin de les maintenir dans l'Euro et réduire leurs dettes: là encore, nous sommes presque dans un vote "politique";
- le sixième enseignement rejoint le précédent: tout le monde aura remarqué qu'en dehors de l'Allemagne, pas franchement favorisée mais relativement "ménagée" tout de même, la France et d'autres Etats soutenant la politique d'austérité contre la Grèce l'Espagne et l'Italie, ont par les non-votes, presque été mises "au ban" des Nations ! Là encore, signal fort envoyé à la Grèce, l'Espagne et l'Italie, semblant discréditer la position des tenants de la rigueur et l'austérité: décision "politique" s'il en est;
- enfin le dernier enseignement, et non des moindres, c'est la relative surprise de constater que, pour la première fois, aucun des Etats frontaliers de la France, qui habituellement votent pour elle, ne l'ont fait. Je pense que ce n'est pas le fruit du hasard, mais qu'il s'agit d'une décision concertée: là aussi: non-vote sanction, politique ? Et dans l'affirmative, pour sanctionner qui et quelle politique ? Celle du quinquennat de N. Sarkozy ? Ou celle à venir de F. Hollande ?
Didier BROCHON
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Commentaires :
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Philippe dit :
08/6/2012 à 12h 12min
Bonjour
Très bonne analyse en effet. Je ne savais pas quon pouvait tirer autant d'enseignement d'un tel palmarès à l'Eurovision (je n'ai personnellement pas regardé, alors je suis en même temps informé !)